La formation professionnelle et l’apprentissage ont été l’objet de nombreuses réformes. Mais la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » fait un pas plus radical pour intégrer les mutations du monde du travail et sécuriser davantage les salariés. Elargissement des définitions, création d’instances, évolution des modalités de financement… La réforme incite les entreprises à adopter une nouvelle philosophie. Déchiffrage avec Bastien Hervé du Penhoat, Directeur de la formation à la Fédération de la Plasturgie et des Composites.
Responsabilisation : c’est le maître-mot de la loi « Avenir professionnelle », qui refond en profondeur la formation professionnelle et l’apprentissage. Votée le 05 septembre 2018, elle vise à rendre les salariés acteurs de leurs projets et à leur donner les moyens de développer leur autonomie. Un recentrage sur les utilisateurs qui révolutionne les approches des entreprises, leur environnement et les mécanismes qu’elles avaient jusqu’à présent l’habitude d’utiliser. « Leurs interlocuteurs changent, explique Bastien Hervé du Penhoat, Directeur de la formation à la Fédération de la Plasturgie et des Composites. Les OPCA fusionnent et deviennent des Opérateurs de Compétences, avec de nouvelles attributions. Ainsi de l’OPCA DEFI, le référent de la Plasturgie, qui rejoint l’OPCO 2i avec d’autres branches industrielles. La réforme a par ailleurs donné naissance à une agence nationale, France compétences, instance unique de régulation et de financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage. » (Voir le schéma ci-dessous)
Ne plus raisonner en taxes mais en investissements
En matière de financement, la redistribution des fonds collectés auprès des entreprises modifie la donne. C’est France compétences qui décide désormais de la répartition du budget, qu’elle allouera aux OPCO, mais également aux actions de formation des demandeurs d’emploi et à la Caisse des Dépôts et Consignations pour financer les Comptes Personnels de Formation (CPF). Si, pour les TPE-PME de moins de 50 salariés, l’accès au financement de la formation professionnelle est toujours d’actualité, les autres entreprises pourraient avoir à investir directement dans le développement des compétences de leurs collaborateurs. « L’Etat affiche la volonté de réduire l’écart de formation entre les entreprises, les plus grandes devant réaliser un effort de solidarité envers les plus petites, précise Bastien Hervé du Penhoat. En conséquence, les cotisations des structures de plus de 50 salariés seront plus largement fléchées vers des programmes indépendants de leur politique interne de formation. Pour autant, certaines entreprises, qui allaient au-delà de leurs obligations légales, ont déjà pris l’habitude de raisonner, non plus en taxes, mais en investissements. »
Un lien plus direct entre le salarié et les financeurs
A la centralisation du système de la formation professionnelle s’associe une ouverture de l’accès aux droits des actifs. Ils pourront solliciter une formation, selon leurs souhaits d’évolution, en utilisant leur CPF via une application mobile. « Il ne sera pas nécessaire de consulter l’entreprise. Celle-ci doit, dès lors, relever un nouvel enjeu : concilier la liberté des salariés de choisir leur parcours professionnel et sa propre politique de formation. » Qu’il s’agisse des entreprises ou des Branches, la réforme tend à modifier le rôle des intermédiaires. « On voit nettement apparaître un recul du paritarisme de gestion, estime Bastien Hervé du Penhoat. Entre le salarié et le financeur, le contact est plus direct, mais les possibilités de négociation sont moindres. D’où l’importance de continuer à se faire le relais dans un environnement réformé. » Au sein des OPCO, les Branches ont ainsi tenu à conserver leur politique spécifique, tout en s’orientant vers d’avantage de mutualisation sur des sujets intersectoriels, tels que les études et les actions en faveur de l’attractivité de l’industrie. Les entreprises pourront également s’appuyer sur des organismes, à l’instar de RESO Industries, qui réalise déjà de l’ingénierie pédagogique et financière, est doté d’une forte connaissance des acteurs et des tissus locaux, et joue un rôle de facilitateur dans la compréhension et l’application de la réforme.
De nouveaux leviers pour l’apprentissage
La réforme donne la part belle à l’apprentissage et entend développer l’attractivité d’un type de formation aux atouts encore trop peu reconnus par les jeunes et leurs familles. « L’objectif est d’augmenter le volume d’apprentis, pour répondre aux besoins en compétences des industriels ». Parmi les mesures phares : la possibilité pour les entreprises de créer leur propre CFA, voire de le mutualiser, afin de répondre aux besoins de proximité géographique et de formations spécifiques. Pour ces nouvelles structures comme pour les centres existants, l’enjeu résidera dans la rentabilité. « Aider les CFA à rendre pérenne leur modèle économique est une autre raison qui justifie de mobiliser les jeunes. La réforme prévoit, en appui, un assouplissement du contrat d’apprentissage. » L’accompagnement financier n’est plus limité à un nombre défini d’apprentis, les ruptures de contrat sont assouplies et ne font plus l’objet de procédures aux prud’hommes, l’entrée en CFA pourra s’effectuer tout au long de l’année… « Sur ce point, les centres de formation auront probablement des difficultés à organiser leur programme. Mais quoi qu’il en soit, les cessions seront plus fréquentes. » Pour les intéressés, des mesures incitatives ont été prévues : extension de la limite d’âge à 29 ans révolus, aide financière au permis de conduire, augmentation du salaire mensuel de 30 euros pour les apprentis âgés de 16 à 20 ans.
Une définition élargie de l’action de formation
Autre avancée de taille, l’action de formation en situation de travail (AFEST) est désormais reconnue et ouvre la possibilité de déclencher des financements. Si tous les décrets n’ont pas encore été publiés, le principe a toutefois été acté. « Il ne s’agit pas de valoriser des apprentissages informels en situation de travail, précise Bastien Hervé du Penhoat. La formation doit faire l’objet d’un parcours pédagogique permettant d’atteindre un objectif fixé. » L’AFEST libère du formalisme et permet de faire reconnaître la formation interne. Déjà mise en œuvre, par exemple, pour l’obtention des Certificats de Qualification Professionnelle (CQP), elle apportera de l’eau au moulin des entreprises, tenues de réaliser tous les six ans un bilan de la formation des salariés. « L’AFEST leur donne la possibilité de remplir plus facilement leurs obligations légales. »
NOUVEAUX ACTEURS, NOUVEAUX ROLES : QUI FAIT QUOI ?
POUR S’INFORMER SUR LA REFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE :
Bastien HERVE DU PENHOAT - Fédération de la Plasturgie - b.hervedupenhoat@fed-plasturgie.fr