Une interview menée par Laura Soligny, consultante en développement des entreprises chez Via Industries,
Si l’on pense prioritairement à la dimension physique de la santé et de la sécurité, l’employeur est tout autant responsable de la dimension psychique. Cécile Le Borgne, conseil SSE chez Polyvia nous éclaire sur les risques psychosociaux (RPS).
La quatrième partie du code du travail est dédiée à la santé et à la sécurité au travail et l’un de ses premiers articles précise : « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. (…) L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ». Ainsi, l’obligation de santé et de sécurité des employeurs porte également sur les risques psychosociaux.
Il existe trois grandes catégories de RPS : le stress, les violences internes et les violences externes.
Le stress peut être défini comme le ressenti d’une per- sonne lorsqu’il y a un déséquilibre entre ce qu’on lui demande de faire dans le cadre professionnel et les ressources dont elle dispose pour y répondre.
Les violences internes concernent le harcèlement moral, sexuel, les discriminations, les conflits… qui se déroulent au sein de l’entreprise. Les violences externes concernent les violences verbales ou physiques exercées par des individus extérieurs à l’entreprise : clients, usagers…
En industrie, nous retrouvons plus régulièrement les deux premiers risques.
Ces risques psychosociaux peuvent être amplifiés par des facteurs de risques et peuvent avoir des conséquences sur la santé. Ainsi, les burn-outs ou conduites addictives ne sont pas en soi des risques psychosociaux, mais des conséquences de ces risques. La prévention des RPS est une thématique incontournable dans une démarche QVT.
La difficulté concernant les risques psychosociaux, c’est leur caractère collectif, individuel et multifactoriel : l’identification des risques est collective mais peut être exacerbée par des facteurs sociaux et psychologiques individuels propres à l’histoire, l’environnement et la perception de chacun.
Les différentes documentations, notamment de l’INRS et de l’Anact font état de sept facteurs de risques : l’intensité et la complexité du travail, les horaires et le temps de travail, une faible autonomie, l’insécurité de la situation de travail, les rapports sociaux dégradés, les exigences émotionnelles et les conflits de valeur.
Ces paramètres peuvent s’équilibrer entre eux (par exemple ; une charge de travail importante mais un soutien social de qualité) mais peuvent aussi s’aggraver en fonction du nombre, de la durée ou de la pénibilité physique du travail.
Une enquête de la Dares menée en 2016 établit que 45% des interrogés déclarent devoir (toujours, souvent) se dépêcher, 30% signalent avoir subi au moins un comportement hostile dans le cadre de leur travail, 25% déclarent devoir cacher leurs émotions et faire semblant d’être de bonne humeur, 25% craignent de perdre leur emploi et 10% disent devoir faire des choses qu’ils désapprouvent dans leur travail. Cela montre bien la diversité des facteurs de risques.
En 2020, 1441 maladies professionnelles relevant de troubles psychosociaux ont été prises en charge, soit environ 37% de plus qu’en 2019.
La prévention des RPS s’inscrit dans une démarche globale et obligatoire de prévention des risques et doit être intégrée dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).
La loi Santé a d’ailleurs fait évoluer certaines obligations et renforce l’importance des conditions de travail comme socle de négociation en ce qui concerne la qua- lité de vie au travail. On parle dorénavant de QVCT. Les représentants du personnel doivent également être consultés et impliqués sur ces thématiques. D’ailleurs, chaque CSE doit désigner, parmi ses membres, un référent en matière de lutte contre le harcèlement.
Il existe des signaux physiques ou visibles : des situations conflictuelles, des salariés qui pleurent, des relations sociales qui deviennent tendues… Certains indicateurs peuvent également alerter sur la présence de facteurs de risques comme l’augmentation du taux d’absentéisme ou du turn-over, une baisse de productivité…
Il est important de veiller aux RPS notamment dans le cadre de projets d’entreprise : fusion, déménagement, réorganisation… Tout le monde est concerné. Les salariés, dont les managers, mais aussi les dirigeants d’entreprise.
C’est une démarche qui doit être collective et participative. Ainsi, il est recommandé d’impliquer les dirigeants, les managers, les élus, les salariés (notamment QHSE et RH) mais également les services de santé au travail. Attention toutefois, certains échanges doivent rester confidentiels car ils concernent la santé personnelle au travail. Plus largement, je recommande d’être accompagné d’acteurs spécialisés car ce sujet mêle santé, psychologie et travail. La Carsat, l’Anact/Aract ou des cabinets conseil peuvent participer à ces démarches et vous accompagner pour la pérenniser.
La démarche peut être menée de façon préventive ou pour donner suite à une situation d’alerte, ce qui peut modifier son contenu.
La première étape consiste à analyser les situations par le biais de questionnaires, d’entretiens individuels et/ou collectifs, des séquences d’observation au poste de travail ou l’analyse de documents. Cette analyse permettra de décrire les situations, d’identifier les conséquences, d’estimer leur gravité puis de déterminer les causes.
L’association des facteurs de risques permettra ensuite de faire une synthèse et de développer un plan d’actions.